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Ahmed Akkache : un militant d'exception (10 novembre 1926 - 8 octobre 2010 )احمد عكاش: مناضل استثنائي

Ecce Akkache, « Ils ne savent pas que les livres, à la fin des fins, resteront la dernière propriété de l’homme, propriété rarissime… Les révolutions commenceront plus que jamais dans les bibliothèques. » Kateb Yacine Il est déconcertant comme parfois, certains livres, qu’on croyait ensevelis sous la poussière de l’oubli, peuvent refaire surface et telle une étincelle, venir rallumer le feu à toute la plaine. Transcendant l’espace temps, ébranlant des générations futures. S’inscrivant alors dans l’intemporalité. D’ailleurs à travers les livres, tout comme dans la vie, il nous arrive de faire des rencontres extraordinaires ! Celle d’Ahmed Akkache est de cet acabit. J’ignorais encore tout de cet homme, quand j’ouvris le livre qui allait bouleverser la donne. Par lumières d’août, j’entamais le bouquin « Des Chemins et des Hommes » de l’historien Mohamed Rebah. D’emblée, la préface de Si Akkache me saisie…! Non seulement par la qualité du contenu historique condensé dans ces quelques lignes, mais aussi, par le style accrocheur, à la fois,simple, fort et percutant de sa plume ! Simple et non simpliste, j’insiste ! Celui d’un homme soucieux de partager ses idées, ses combats et ses luttes avec les masses. De cette préface, j’en sors convaincue d’une chose, que Si Akkache est un des témoins du siècle ! Je vais donc à sa recherche… ! Sur ce sentier menant à lui, je croise des hommes qui l’ont connu, côtoyé, des hommes qui l’ont aimé et admiré, et d’autres qui, coincés dans les marécages du passé, le confinèrent à la seule figure de combattant communiste pour la libération nationale. Certes, Akkache est un Moudjahid, même si le titre ne lui ait pas accordé officiellement. Mais il a poursuivi la lutte de bien des manières durant les 84 ans que la vie lui a offerte. - « L’œuvre militante la plus importante de Akkache, est celle contenue entre 1955-1957 ? m’a-t-on sans cesse répété. » Il s’agissait de son combat pour la libération nationale au sein du PCA, avec qui il finira par rompre, rejetant un leadership européen au sein du parti, qu’il percevait comme une entrave aux concepts même de : libération, liberté, révolution, pour lesquels il s’est vu condamné à mort en 1960. Un homme qui a toujours accordé ses faits à sa parole. Sa parole à ses idées. Son évasion des geôles françaises, est relatée dans son roman « L’évasion », préfacé par l’ami de leurs 20 ans, Kateb Yacine. Homme de fer, le surnommèrent ses bourreaux Français, pour caractériser sa volonté inébranlable face à la Question, à en finir avec la longue nuit coloniale. Il aura été un militant révolutionnaire. Le procès retentissant intenté aux communistes en 1960 peut en témoigner : « Laissez-moi vous expliquer cette contradiction apparente. Nous ne reconnaissons pas la nationalité française qu'on nous a imposée contre notre volonté. Nous sommes des Algériens et nous en sommes fiers. Nous combattons de toutes nos forces pour la liberté de l'Algérie et nous ne reconnaissons qu'un seul gouvernement, le G.P.R.A. Si nous devions être jugés, ce ne pourrait être que par le peuple algérien lui-même. Demain, nous nous expliquerons devant lui. Mais nous sommes réalistes, nous sommes vos prisonniers... » « Nous n'avons pas peur de reconnaître notre action. Vous nous appelez rebelles. Eh bien ! Oui, nous sommes rebelles au colonialisme. Oui, nous participons à la guerre de Libération nationale du peuple algérien. Nous aurions voulu pouvoir le dire en public. Mais, par contre, nous ne donnerons aucune explication sur les membres du Parti Communiste Algérien qui poursuivent en ce moment le juste combat clandestin sur le sol de l'Algérie. » Dès l’indépendance, il s’est attelé à un travail acharné pour écrire l’Histoire par « nous-mêmes », déconstruisant celle imposée par les colonisateurs d’hier, truffée de mythes et de mensonges. Il rédige « Tacfarina »s, « Les guerres paysanne de la Numidie », « La révolte des saints »… pour en finir avec le mythe de la Terra Nullius qui confine l’Histoire Algérienne à la seule parenthèse [1830-1962]. Il biffe cette parenthèse pour nous ramener plus en arrière sur le temps historique. Aux luttes de nos aïeux, ces moudjahidine de l’antiquité (pour reprendre une expression d’un ami), contre le colonisateur, cette fois-ci Romain ; nous dévoilant que la Numidie était le précurseur de ce qui allait devenir la Nation Algérienne. Aussi, il démontre que le colonialisme n’est pas une sordide anecdote de coup d’éventail, mais bien un système d’asservissement de l’homme par l’homme. Etait-ce suffisant ? L’Histoire écrite est féconde en mythes qui se réactivent constamment ! Avec « La résistance Algérienne de 1845 à 1945 », soit dix-sept années après celle menée par l’Emir Abdelkader, il insiste sur le fait que, le peuple Algérien a combattu avec acharnement le colon Français depuis la première heure de l’invasion, de manière constante: « A peine l’incendie semblait-il éteint quelque part qu’il se rallumait ailleurs, encore plus violent. A peine un combattant était-il tombé qu’un autre se levait à sa place. Pour finir en 1962 sous les you-you victorieux et les chants de l’indépendance. ». écrit-il en introduction à La résistance Algérienne. Mais encore ? Un autre champ de bataille lui tient à cœur. Celui des travailleurs et son souci permanent de leurs conditions de travail, auquel il consacrera le reste de sa vie. Il entreprend l’écriture de nombreux ouvrages sur les problèmes économiques rencontrés par l’Algérie, comme il milite au sein du Ministère du Travail pour l’amendement des droits des travailleurs. « Un jour, que je me promenais dans les librairies d’Alger-centre à la recherche de ses livres…Un homme m’entend demander au libraire s’il avait un livre de Ahmed Akkache. Il s’approcha de moi, et me demanda si j’ai bien dit Ahmed Akkache. Je réponds que oui. Ces yeux s’illuminèrent de mille feux, un bonheur habilla son visage ridé. Il se présenta à moi : Il s’agissait d’un ancien docker, et il ne tarissait pas d’éloge sur feu Akkache, m’assurant qu’il était un homme d’une gentillesse inégalable, d’une éloquence limpide : Un tribun. Il m’assura qu’il avait assisté à de nombreux meetings que Akkache venait faire chez les dockers, et qu’il n’y avait pas une conférence qui ne finissait sous les applaudissements de tous. Il ré-insista sur la bonté de Akkache en me disant qu’il ne renvoyait jamais aucune personne venant le solliciter. » Un Homme de fer ou bien un Homme en Or ?! En l’an XXXXXV, de l’Algérie libre, nous subissons toujours, dans une forme développée, la reconquête par la culture des ex-colonisateurs qui veulent et réussissent parfois à s’emparer des cerveaux des ex-colonisés, en remodelant l’Histoire à leur faveur. Dans ce contexte, les livres de Ahmed Akkache sont des armes aiguisées pour parer à cette enième tentative de conquête. « Ahmed Akkache a été de ceux qui luttent toute leur vie et qui sont irremplaçables, comme le déclamait si bien Bertolt Brecht. » Repose en Paix Si Ahmed 8_10_2017 Polygone étoilé

Ahmed Akkache La Résistance Algérienne de 1845 à 1945 (essai), SNED, Alger, 1972

 

Après la reddition de l’Emir Abdelkader, en 1847, et la défaite des principaux chefs de la résistance, Bou Maaza, Ben Salem et Ahmed Bey de Constantine, la conquête de l’Algérie semblait terminée. « La guerre sérieuse, comme disait Bugeaud, était finie ». Les généraux français pouvaient célébrer leur victoire.

Mai un an à peine après l’emprisonnement de l’Emir, le feu se rallumait aux quatre coins du pays, sous la direction de chefs nouveaux, souvent inconnus, sortis du peuple. La longue guerre de dix-sept ans qui venait de se terminer n’était en réalité que la première étape d’une lutte séculaire qui n’allait prendre fin qu’en 1962 dans les you-you victorieux et les chants de l’indépendance.

Il est sans doute peu d’exemples, dans l’histoire de l’humanité, d’une résistance aussi acharnée et d’une opposition aussi intransigeante à la domination étrangère. A peine l’incendie semblait-il éteint quelque part qu’il se rallumait ailleurs, encore plus violent. A peine un combattant était-il tombé qu’un autre se levait à sa place.

Que d’hommes valeureux, cachés sous l’anonymat émouvant de surnoms populaires : Bou Baghla, Bou Borma, Bou Choucha, ou abrités modestement derrière un nom prestigieux à force d’être simple : Si Ahmed, Si Kaddour, Boucif ou Arezki, ont préparé tout au long de la nuit coloniale, sans cesse illuminée de l’éclat des sabres et des lueurs fulgurantes des fusils, les chemins du 1et Novembre 1954.

Résistant pied à pied à la pénétration française défendant avec acharnement la moindre parcelle de leurs terres, s’insurgeant contre les spoliations, refusant les impôts écrasants et les corvées humiliantes, jamais ces combattants intrépides n’ont accepté de se soumettre. Ni la terreur militaire, ni les enfumades du Dahra, ni le massacres des prisonniers enchaînés d’Aïn Yagout, ni les têtes de combattants découpées et exposés aux yeux des foules, ni les atrocités permanentes qui constituent le plus clair de l’œuvre française de « pacification » n’ont pu avoir raison de leur volonté inébranlable.

Le peuple algérien peut être fier de cette épopée de plus d’un siècle. Des rives de la Méditerranée aux montagnes lointaines du Hoggar, des vertes cerisaies de Tlemcen aux collines fauves de N’gaous, des générations entières ont lutté et souffert pour la liberté et la justice.

On trouvera dans les pages qui suivent une brève énumération des principaux faits d’armes qui illustrèrent leur résistance héroïque, liste certainement très incomplète, mais que les jeunes chercheurs algériens, interrogeant scientifiquement les vestiges du passé, auront sans aucun dote à cœur de reconstituer bien mieux que ce modeste travail.

 

1848

 

Soulèvement de nombreuses tribus dans le Sud Oranais, les Aurès, et les Ziban. Au cours d’un combat près de Biskra, les Français perdent 30 tués et 105 blessés. Dans la région de Tlemcen les tribus Bni Snouss refusent de payer l’impôt et subissent une répression impitoyable.

Les habitants de l’Ouarsenis, du Titteri et du Dahra refusent également de payer et chassent les caïds qui leur sont imposés par les troupes françaises. Les M’zaïa, dans la région de Bougie font de même.

A Palestro un bataillon français est attaqué et son chef, le capitaine Castex, tué. Le caïd Ben Yahya, des Oulad Bellil et son goum de 14 cavaliers sont attaqués et tués par les Beni Yala.

 

1849

 

Les combattants de l’Oasis de Zaâtcha, dans les Ziban soutiennent un siège héroïque de plusieurs semaines. Ayant succombé sous le nombre ils sont littéralement exterminés par les troupes françaises.

Des scènes horribles ont lieu : les têtes des combattants sont coupées et exposées sur les remparts. Des femmes sont massacrées avec leur enfant au sein.

Après de violents combats le village de Nahra dans l’Aurès est complètement rasé par Canrobert, et tous ses habitants tués.

Bou-Saâda s’entoure de barricades et résiste avec l’appui des Oulad Ferradj et des autres tribus de la région.

Le refus de payer les contributions de guerre s’étend dans tous le pays, et les troupes françaises procèdent, après des accrochages sanglants, à l’enlèvement de troupeaux et de biens dans l’Ouarsenis, les Nementcha et le Dahra.

En Kabylie, on signale l’insurrection des Oulad Soltan et des Oulad Ameur, qui tuent leurs caïds.

Un nouveau chef de partisans, nommé Boucif, organise des incursions en territoire occupé. Après une mêlée sanglante, qui coûta plusieurs morts à l’ennemi, il est lui-même tué : sa tête, son cheval et ses armes sont envoyés à Alger.

 

1850

 

De nombreux caïds et cheikhs, installés par les forces d’occupation, sont attaqués et tués par les gens de leur tribus. On en signale plusieurs dizaines en divers points du pays, plus particulièrement en Kabylie chez les Beni Mellikeuch et les Beni Yala.

Des compagnons de l’Emir Abdelkader, réfugiés au Maroc, rentrent e Algérie et se livrent à de nombreuses incursions autour de Tlemcen, Marnia, Nedromah. Ils sont aidés par d’importants contingents des Beni Snassen, des Beni Drar et des Mezaouir. De nombreux accrochages ont lieu avec les troupes du général de Mac-Mahon.

 

 

 

LA REVOLTE DE BOU BAGHLA

 

 

Sous la conduite d’un chef des tribus Maatka, surnommé Bou Baghla, les montagnards du Djurdjura et des Babor opposent une résistance acharnée à l’armée française, qui entreprend une véritable guerre d’extermination pour la conquête de la Kabylie.

Chaque village se transforme en forteresse, et fait payer chèrement leurs atrocités aux occupants. Malgré le blocus, l’interdiction des marchés et la construction de nombreux postes militaires, la guerre fait rage pendant plusieurs années.

Dans sa correspondance, le maréchal de Saint Arnaud explique de la façon suivante les méthodes de pacification utilisées : « j’ai laissé sur mon passage un vaste incendie. Tous les villages, environ deux cents, ont été brûlés, tous les jardins saccagés, les oliviers coupés ».

Signalons durant la même année, d’importants combats dans le Guergour, marqués par l’héroïsme de la qalâa des Beni Abbas (57 tués et blessés chez les Français), à Djidjel (28 tués et blessés), dans la vallée de la Soummam, chez les Zouaoua du Djurdjura, etc…

Le Chérif Bou Baghla se montre un excellent homme de guerre. Habile, courageux, connaissant parfaitement la montagne, il organisa un mouvement de résistance tel que l’armée française dut mobiliser à certains moments près de 80.000 soldats pour en venir à bout. Non seulement le Maréchal de Saint -Arnaud, mais aussi le général Pélissier, le général Camou, le général Cuty furent envoyés successivement contre lui.

Mais rien n’empêchait l’armée des insurgés de recevoir constamment de nouveaux contingents des tribus de la région. Voici comment par exemple un officier français raconte le ralliement des Flissa à l’insurrection et les combats qui s’ensuivirent.

« Aïn Faci, le 15 octobre 1851.

« Ce que nous devions le plus craindre vient d’arriver. Les Flissa, au moins pour la plus grande majorité, viennent de passer au Chérif…

« Les nouvelles étaient bien vraies : entre 9 et 10 heures j’étais à Tizi-Ouzou, où l’on m’avait envoyé, quand j’entendis les obus et la fusillade.

Comme vous devez le supposer, j’arrivai bientôt sur le lieu du combat et j’aperçus Bou Bar’la avec son infanterie, sa cavalerie, et tout cela en ligne, à une lieue et demie du pied des montagnes.

« Le Chérif avait du monde, beaucoup de monde. Son intention était de passer chez les Flissa. On était sorti pour l’en empêcher, on ne fut pas en force pour le rejeter dans la montagne des Maatka. Aussi opéra-t-il son mouvement sous nos yeux, bannières déployées, musique en tête.

« …La fusillade entamée assez chaudement, employait presque un tiers de notre infanterie, y compris notre réserve, et nos escadrons n’étaient pas encore rentrés de Dellys. Les choses en étaient donc là, Bou Bar’la paradait devant nous depuis deux ou trois heures quand, tout à coup, nous l’avons vu remonter avec tout son monde vers les Maâtka. Je ne m’expliquais pas trop ce mouvement, quand j’ai reçu la nouvelle que M. le colonel Bourbaki, sans doute prévenu que nous avions Bou Bar’la sur les bras avec tout son monde, était entrain de brûler les Azids des Maâtka du côté de Bor’ni… ».

 

« Signé : Pechot »

 

C’est évidemment avec des méthodes de ce genre, destinées à affamer et à détruire les populations, que les troupes coloniales menaient la guerre. Quoi qu’il en soit on signale des combats successivement à Dra El Mizan, Bordj Menaiel, Tizi-Ouzou, dans l’Oued Isser, le Sebaou, et dans bien d’autres régions encore tout au long des années 1852 et 1853 ;

 

1852

 

Insurrection des Beni Drar et des Beni Snassen dans l’ouest Oranais. Violents combats contre les troupes du général de Montauban.

Insurrection des Harrakta dans l’est constantinois.

 

Le Siège de Laghouat

 

Soulèvement dans le Sud Algérien, autour de Laoughouat, Messaâd et les Oulad Sidi Cheikh.

Le Chérif de Ouargla Mohamed Ben Abdellah prend la tête du mouvement.

La population de Laghouat, assiégée et bombardée, soutient une lutte héroïque et se bat maison par maison. Les Français perdent des centaines d’hommes dont un général, un commandant et plusieurs officiers.

L’occupation de Laghouat devait ouvrir à la colonisation les portes du Sud. « Pour avoir la paix dans le Tell, déclare un général français, il faut être maître du Sahara, sinon il faut s’attendre à y avoir renaître des orages. »

 

1853

 

Pour avoir « soutenu la rébellion » les sept villes de la confédération du M’zab sont placées sous le contrôle de l’armée. Dans une proclamation à leurs habitants le général Pélissier déclare :

« Depuis deux ans vous nourrissez nos ennemis dans votre pays, vous leur donnez à boire et à manger ; vous les encouragez dans leur entêtement et leur révolte ».

Mohamed Ben Abdellah et son principal lieutenant Ben Nacer Ben Chohra reparaissent dans le Sud à la tête d’une centaine de cavaliers. Des accrochages ont lieu tout au long d’une ligne de 400km, de Metlili à Ouargla.

 

En Kabylie un dirigeant de grand prestige se joint à l’insurrection. Il s’agit de Si El Hadj Amar, chef de la Zaouia de Si Abderrahman Bou Ghobrine, des Guechtoula, qui va devenir en quelques années plus tard la puissante confrérie des Rahmanya, dissimulant sous les apparences d’une secte religieuse une vaste organisation de résistance.

Si El Hadj Amar, qui soutenait secrètement Bou Baghla et cachait dans sa zaouia les combattants blessés ou recherchés, évita de justesse l’arrestation par les troupes françaises et se réfugia dans les Beni Ouassif. Voici comment un auteur français parle de lui :

« Il était brave, savait manier un cheval et, quoique marabout, faisait crânement le coup de feu lorsqu’il s’agissait de combattre pour la guerre sainte. Aussi plaisait-il énormément aux Kabyles, qui ne faisaient rien sans le consulter et suivaient l’impulsion qu’il leur donnait. Son seul défaut à leurs yeux était de ne pas parler leur langue.

Il ne s’exprimait en effet qu’en arabe. Si El Hadj Amar donna un grand essor à l’ordre religieux dont il était le chef, et recruta un grand nombre de Khouan, même en dehors de la Kabylie. Les progrès de notre domination poussait d’ailleurs vers lui tous les mécontents ». (1)

 

  1. N.ROBIN, in « Revue africaine » N° 159 (1883) p. 12

 

 

1854

COMBAT DANS LE SUD

 

Soliman Ben Djellab de Touggourt, entre en insurrection et occupe Ngouça avec l’aide de Mohamed Ben Abdellah.

Les Oulad Amelkhoua se joignent à eux et détruisent un convoi français sur les bords de l’Oued Djedi, récupérant ses armes et 150 chameaux.

Une colonne de 250 cavaliers sous les ordres du colonel Devaux est écrasée à Maghaïer, au Sud de Biskra.

Le 29 Novembre une gigantesque bataille de cavaliers et de fantassins, mettant en ligne 6.000 combattants, s’engage à Meggarin, dans l’Oued Souf. Les Français avouent : 10 morts et 38 blessés. Mais dans une lettre de Mohamed Ben Abdellah à la tribu des Attia ont trouve les précisions suivantes :

« Les Français (que Dieu les extermine) ont envoyé contre nous trois colonnes…Nous nous sommes rencontrés avec eux le samedi 10 de rabiet’tani, nous nous sommes battus, et très rudement. Dieu nous a rendus victorieux, nous les avons détruits ; nous avons tués environ 300 soldats, le camp est resté en notre pouvoir. Les armes, la poudre, les chameaux sont à nous.

« Les Français (que Dieu les confonde) ont été tellement secoués…, qu’ils ont perdu la tête et l’esprit. Les Kabyles des Zouaoua se battent avec eux aux portes d’Alger, en sorte qu’ils sont bloqués ».

 

1855

 

Après de longues années de résistance Bou Baghla est tué. Sa tête, découpée à la scie, est exposée sur un poteau à Bordj Bou Arréridj, où la foule vient se recueillir. Mais la mort du Chérif n’entraîne qu’un ralentissement provisoire de la guerre. Très vite de nouveaux combattants se lèvent, et en particulier une femme admirable, Lalla Fatma, qui devient l’âme de la résistance dans le Djurdjura.

 

1856

LE DJURDJURA INSURGE

 

Nouveau soulèvement général dans les montagnes Kabyles, du Sebou aux Babor. Le général Randon est chargé de la répression avec plus de 25.000 soldats.

La plupart des caïds sont tués ou se sont ralliés à l’insurrection. Le Bordj de Boghni est incendié.

 

1857

 

Des combats sanglants, comme celui d’Icherriden, marqué par une bataille légendaire, se déroulant dans tout le Djurdjura. Les troupes françaises brûlent, détruisent et massacrent sans pitié tout ce qu’ils trouvent sur leur chemin.

Mais les insurgés répondent avec héroïsme, et les pertes colonialistes sont énormes. Par exemple, dans un seul combat contre les Beni Iraten les Français avouent 67 tués et 445 blessés.

Encouragés par Lalla Fatma, des moussebiline, volontaires de la mort, se font les uns aux autres dans les retranchements montagneux et se battent jusqu’au dernier homme.

L’insurrection se rallume dans l’Aurès, Le Belezma et la région de l’Oued El Kebir.

Mohamed Ben Abdellah organise des groupes de partisans chameliers chez les Chaamba et les Touareg. Ils font des coups de main sur certaines Oasis, en partant d’Aïn Salah.

 

1859

LA REVOLTE DES BENI SNASSEN

 

Important soulèvement dans l’ouest Oranais autour des Beni Snassen, des Angad et des Mehaïa.

Ces grandes tribus des confins algéro-marocains, stimulées par la présence de nombreux réfugiés, n’ont jamais été soumises. Elles attendent depuis longtemps le signal de la revanche sur les colonialistes, signal que doit donner un personnage légendaire : Moul Es-saâ (le Maître de l’heure) venu de l’ouest.

Elles croient le trouver en la personne de Si Mohamed Ben Abdellah, ennemi irréconciliable des Français, qui prêche la reprise de la guerre. Reconnu aussitôt par El Hadj Mimoun Ould Bachir, chef des Beni Snassen, et Bou Beker, chef des Mehaïa, le nouveau chef engage les hostilités, qui embrasent toute la région de Tlemcen, les Oulads Mensour, les Beni-Mengouch, les Msirda, les Achache, les Oulad Sidi Medjahed,etc...

Une colonne dirigée par le commandant Bachelier est détruite. Des accrochages violents se succèdent pendant plusieurs mois dans toute la région, depuis Ghazaouet, sur la côte, jusqu’à Sebdou.

On signale à la même époque un nouveau soulèvement dans l’Aurès, sous la direction de Si Saddok Ben El Hadj.

 

1860

 

La lutte s’étend dans tout le nord Constantinois, autour de l’Oued El Kebir, les régions de Collo, Mila et Djidjelli. Les tribus du Hodna se soulèvent contre le général Desmarets.

Dans le même temps les tribus chaâmba entrent en insurrection et attaquent des colonnes françaises.

Les villes du Mzab se révoltent, et le colonnel Margueritte est aussitôt dépêché pour y « rétablir l’ordre ».

Les Oulads Sidi Hadjrès, dans la régio de Sou El Ghozlane, organisent des nombreux attentats des colons et des militaires.

 

1861

 

Djelfa est encerclée et attaquée en pleine nuit par un important groupe de partisans dirigé par Taïb Ben Chandougha. Plusieurs soldats et colons français sont tués. Le lendemain les colonialistes arrêtent 7 notables et les fusillent sommairement en plein centre de la ville.

Mohamed Ben Abdellah livre bataille aux contingents du caïd Ali Bey près de Rouïssat (Ouargla). Abandonné par 400 goumiers du Souf, qui tournent leurs armes contre lui, Ali Bey est écrasé. Ouargla est libérée.

Les Algériens se dirigent sur Guerrara, capitale du Mzab, où un combat a lieu.

Quelques mois plus tard, à Blad Er Rmel, sur la route du Touat, Mohamed Ben Abdellah est capturé, par suite de la trahison de Bou Beker Ben Hamza. Interné d’abord à Oran, ce grand combattant de la résistance algérienne est transféré ensuite à la citadelle de Perpignan. Rentré à Annaba, il souleva la ville en 1871, puis se réfugia en Tunisie, dans le Djebel Lakhdar, où il mourut en 1877.

 

 

1864

INSURRECTION DES OULAD SIDI CHEIKH

 

Début, dans le sud algéro-oranais, de la grande insurrection des Oulad Sidi Cheikh, qui s’étend rapidement dans le nord du pays, où l’incendie se rallume dans presque toutes les régions que les Français croyaient avoir soumises.

Le détachement du colonel Bauprêtre, commandant supérieur de Tiaret, tombe dans une embuscade à Aouinet Bou Bekr et est complètement détruit. Les contingents Harrar qui l’accompagnent s’insurgent.

Des garnisons et des colonnes françaises sont attaquées et subissent de lourdes pertes dans le Tell Oranais, le Bas-Chéliff, la région de Sétif.

Les forces d’occupation engagent 100.000 hommes dans les activités de répression. C’est une véritable guerre, qui va durer plus de 20 ans et s’étendre progressivement jusqu’aux confins les plus éloignés du Sahara.

A nouveau les moissons et les villages sont brûlés par les colonialistes. L’Oasis d’El Abiod Sidi Cheikh résiste admirablement et finit par être rasée. Le général Yousouf enlève des dizaines de milliers de moutons et de bœufs aux tribus nomades.

Les tribus du Djebel Amour se soulèvent.

Les Oulad Chaïb les suivent, à Boghar, et détruisent un peloton de Spahis. Plusieurs convois français sont attaqués. Une grande bataille a lieu à Tadjmout. Les habitants du Ksar Ben Hammad attaquent et détruisent le poste de Chellala.

Peu à peu les grandes tribus du sud, le Larbaâ, les Oulad Naïd, les Chaâmba se joignent aux Oulad Sidi Cheikh, dirigés par Si Lala, Si Mohamed et Ben Nacer. Les villes du Mzab leur envoient des fantassins et du ravitaillement. Tous les postes entre Boghar et Djelfa sont détruits.

 

1865

 

Si Mohamed livre combat aux troupes du général Deligny à Garet Sidi Cheikh. Il est mortellement blessé. Son frère Si Ahmed Ben Hamza prend la tête de la résistance. Des accrochage ont lieu avec les troupes du colonel Margueritte.

A Sour El Ghozlane quatre Algériens accusés d’attentats sont exécutés sur la place du marché « pour donner l’exemple ». La population leur rend hommage.

Des centaines de guerriers Chaâmba entrent en campagne dans la région de Metlili.

Si Ahmed attaque Géryville, défendue par le colonel Colomb. Un officier français raconte à ce sujet : « Nos troupes n’échappèrent à un désastre que grâce à l’énergie de leur chef…Toutefois le succès fut chèrement payé : 42 hommes, dont un officier, furent tués, et 54 blessés. »

 

1867

EMEUTES POPULAIRES

 

Les destructions permanentes, les incendies de moissons et les vols de troupeaux organisés par les colonialistes, joints aux effets d’une grande sécheresse, se traduisent par une famine terrible. Des émeutes ont lieu. Des fermes de colons sont attaquées.

 

L’évêque d’Alger écrit un journal français : « Depuis plusieurs mois un grand nombre d’arabes ne vivent plus que de l’herbe des champs ou des feuilles des arbres qu’ils broutent comme les animaux…On les voit presque nus, à peine couverts de haillons, errer par troupes sur les routes, dans le voisinage des villes d’où on a été obligé de les éconduire pour éviter des désordres de toute espèce…Ils enlèvent ceux de nos colons qui sont obligés de garder leurs fermes le fusil à la main » (1)

 

Un important détachement armé, dirigé par Bouazza Ould Larbi, livre combat dans la région de Marnia : plusieurs tués et blessés

 

1868

 

Manifestations populaires à Ghardaïa : 70 personnes tuées

 

Si El Ala et un nouveau chef insurgé, Si Kaddour, parcourent la région entre El Goléa et Laghouat, à la tête d’importants détachements.

 

Bou Azza Ould Larbi reconstitue une armée en territoire marocain et opère plusieurs incursions en Algérie. Grâce à l’aide volontaire de la population, ses djounoud bénéficient d’une solde journalière et de vivres en nature.

 

1869

 

Dirigés par Si Kaddour Oulad Hamza et Si El Ala, les Oulad Sidi Cheikh attaquent dans le Djebel Amour et remontent jusqu’aux sources de la Mina. Tiaret, Frenda et Aïn Mahdi sont menacés, ainsi que les régions de Boghar et de Djelfa.

 

Combats de cavalerie sur les bords du Chott Ech Chergui. Des Algériens réfugiés au Maroc rentrent pour participer à la lutte. Les routes et les lignes télégraphiques entre Géryville et Frenda sont coupés par les insurgés. Aïn Mahdi est libérée et fournit 500 chameaux à l’insurrection.

 

Sid El Ala, à la tête de 4000 soldats, attaque les troupes du colonel Sonis et leur inflige de lourdes pertes à Oum El Debdeb. Les Algériens font preuve d’un courage admirable. « Malgré les vides qui se creusent dans cet amas de cavaliers, dans cette cohue en délire, malgré les selles qui se vident de leurs cavaliers, malgré les pentes qui s’encombrent de cadavres…, les rebelles ne songent point à déserter. Vingt fois ils reviennent à la charge, soit en masse, soit en échelons ». (colonel Trumelet)

 

1870

 

Un jeune Saharien « presque imberbe, vêtu d’une gandoura verte et armé seulement d’un pistolet », surnommé Bou Choucha, rassemble un important détachement de partisans et parcourt la campagne. Un engagement militaire a lieu sur les rives de l’Oued Sebseb.

 

Manifestations populaires à Laghouat

 

Les Oulad Sidi Cheikh attaquent des colonnes françaises entre Mecheria et Béchar.

 

Combats dans le sud-ouest du Sahara pour la conquête des Oasis du Guir.

 

(1). Lettre de l’évêque Lavigerie à l’illustration 1868

 

 

1871

LA GUERRE DE 1871

 

Les spahis Algériens de Aïn-Guettar refusent de se faire embarquer par la France. Ils désertent leurs unités, se joignent aux tribus de Hanencha et attaquent avec elles la ville de Souk-Ahras.

Les populations du massif de l’Edough et de l’Oued El-Kebir, dans le nord Constantinois, celles des Nementcha et de Tébessa dans l’Est, celles des Oulad Sidi Cheikh dans le sud oranais, se joignent au mouvement.

Puis c’est le tour de la Kabylie, dirigée par le Bachagha Mohamed Mokrani, et de la puissante confrérie des Rahmania, animée par le Cheikh El Haddad de Seddouk, qui achèvent à donner à l‘insurrection une dimension nationale. C’est en effet une véritable guerre de libération qui s’engage, la plus importante depuis la reddition de l’Emir Abdelkader. Après le constantinois et les massifs kabyles, la Mitidja, la région de Sour El Ghozelane, le Chenoua jusqu’à Cherchell, et tout le nord du Sahara sont touchés.

Ce qu’on appelle d’ordinaire « l’insurrection Kabyle » est donc en réalité une puissante insurrection nationale anti-colonialiste, où des paysans expropriés, des Khammès, et des montagnards côtoient des ouvriers des villes, des chefs féodaux et des membres de confréries religieuses. La révolte atteint son point culminant en Avril 1871.

Des villes importantes comme Bordj-Ménaïl, Palestro et Boudouaou, sont libérées. Tizi-ouzou, El-Milia, Dellys sont assiégées. Les Français sont obligés de replier leurs garnisons et d’évacuer la plus grande partie de la Kabylie et du Constantinois. La mort de Mokrani, le 5 mai, n’empêche nullement les combats de se poursuivre et même de se développer.

Les villes de Béjaïa et de Djidjel sont attaquées au mois de Juin, Cherchell au mois de juillet par les Beni Menacer, habitant du Zaccar, qui arrivent même à contrôler la voie ferrée Alger-Oran. Bou Sââda et M’sila sont libérées au mois d’Août.

La reddition du Cheikh El Haddad, le 13 juillet, après une bataille sanglante à Icherriden, et l’écrasement des Oulad Sidi Cheikh, portèrent un premier coup au mouvement. Mais c’est surtout l’arrivée d’importants renforts militaires rendus disponibles par la fin de la guerre franco-allemande et l’écrasement de la Commune de Paris, qui permirent de réprimer l’insurrection.

Il faut néanmoins plusieurs mois encore aux forces colonialistes pour venir à bout des derniers combattants, dirigés par Boumezrag, frère de Mokrani, d’abord dans les monts du Bou Taleb, dans le Hodna, puis chez les Oulad Naïl et dans l’Oued Righ, à Touggourt, et enfin à Ouargla, le 20 janvier 1872.

La répression fut à la mesure de la peur immense qu’avait éprouvée la colonisation : exécution sommaire par centaines, incendies, destruction, accaparement de plus d’un million d’hectares de terres, amendes énormes de plusieurs dizaines de millions de francs-or imposées aux populations, etc…

Mais la guerre, en dépit de cette répression sauvage, avait laissé dans le pays des souvenirs impérissables. Longtemps bien longtemps après la fin des derniers combats, les meddahs et les mères de Kabylie chantaient encore aux enfants les exploits héroïques de leurs ainés, et notamment le sacrifice extraordinaire de ces 2000 moussebiline de Larba Nath Iraten qui, après avoir psalmodié la prière des morts, montaient en vagues successives à l’assaut des remparts du camp français, offrant généreusement leur vie pour détruire cette « épine douloureuse plantée au cœur du Djurdjura ».

Boumezrag et certains de ces campagnons se retrouvèrent quelques années plus tard au bagne de Nouvelle-Calédonie où une institutrice française, déportée après la Commune de Paris, parle d’eux en ces termes : « Un matin, dans les premiers temps de la déportation, nous vîmes arriver dans leurs grands burnous blancs des Arabes déportés pour s’être eux aussi, soulevés contre l’oppression …Ils étaient simples et bons, et d’une grande justice…Hélas, il en est qui sont toujours en Calédonie et n’en sortiront probablement jamais » (1)

L’un des rares qui en soient sortis, Boumezrag, se retrouva en 1885 à Paris où il participa aux obsèques de Victor Hugo : Hommage symbolique d’un grand combattant de la liberté à un poète ennemi de l’injustice.

 

  1. .Louise Michel : la Commune, Histoire et souvenirs t.II, p. 148.
Ahmed Akkache La Résistance Algérienne de 1845 à 1945 (essai), SNED, Alger, 1972

1872

LA RESISTANCE DU SAHARA

 

A peine finis dans le nord les combats reprennent au Sahara. On signale des opérations militaires à Biskra, où reparaissent Ben Nacer et Bou Choucha, qui attaquent les troupes du général de la Croix à Tamesquida et Aïn Et Thaïba.

De violents combats ont lieu à Hassi Berkaoui et Chabet El Hamid (sud Constantinois). Les Français reprennent difficilement Touggourt et Ouargla.

 

1873

 

Bou Choucha est prisonnier près de Timimoun par les troupes du général Gallifet et envoyé enchainé à Alger. On apprend alors qu’il est natif du Djebel Amour, Douar Erricha et qu’il s’appelle Mohamed Ben Toumi Brahim. Condamné à mort, il est aussitôt exécuté.

El Goléa est occupée après une vigoureuse résistance. Toute la population est contrainte d’évacuer la ville.

1876

 

Les nomades Bou Azid se soulèvent sous la conduite du Cheikh Mohamed Ben Yahya, entrainent les populations des Ziban et occupent l’Oasis d’El Amri. Plus de 5000 combattants donnent l’assaut au camp du général Carteret, qui subit de lourdes pertes et ne peut se dégager qu’avec l’appui de renforts venus de Constantine et de Bou Saâda.

 

1878

 

Vive agitation populaire dans le sud algérois. On signale plusieurs attentats dirigés contre des caïds ou des renégats.

 

1879

 

Une nouvelle insurrection éclate dans l’Aurès : des soldats français étant venus arrêter le prédicateur Mohamed Ameziane Ben Abderahmane, surnommé Bou Borma, la population s’y oppose, protège le Cheikh et tue les soldats. Aussitôt les Oulad Daoud, les Beni Bou Slimane et les Lehala se soulèvent et tuent leurs caïds. Le Bordj de Taga et attaqué et incendié par une foule de « montagnards armés de sabres, de bâtons et de vieux fusils ».

 

1881

 

Nouveau soulèvement des Oulad Sidi Cheikh dans le sud oranais sous la direction de Bou Amama.

Les populations sahariennes s’opposent farouchement à la pénétration française.

A Géryville le lieutenant, chef du bureau arabe, est tué par des résistants qu’il voulait arrêter : aussitôt les Harar Cheraga se soulèvent et envoient des contingents à Bou Amama, qui se dirige vers les régions de Tiaret, Saïda et Frenda, où il fait incendier les chantiers d’exploitation de l’alfa.

L’envoi de troupes françaises en Tunisie, où l’occupation coloniale commence, stimule les insurgés, qui contrôlent la région pendant deux ans.

Plus au sud l’escorte militaire de la mission Flatters est attaquée et détruite dans la région d’Aïn Salah.

Troubles sanglants au M’Zab. Les Français décident l’annexion de toutes les Oasis de la confédération.

 

1890

LES « HORS LA LOI »

 

De nouvelles formes d’action apparaissent. L’implantation coloniale est devenue si pesante, le nombre d’Européens dans le Tell si grand, les brigades de gendarmerie, les bureaux arabes et les postes militaires si nombreux, que la résistance est obligée de se fractionner en petits groupes, tout en s’organisant plus efficacement pour éviter la répression. On assiste alors à un accroissement spectaculaire du nombre des attentats. Des maquis se constituent dans les régions montagneuses.

Les colons européens exigent le retour à la responsabilité collective, c'est-à-dire à la répression de populations entières en cas d’attentats individuels. Ils se plaignent de ce que leurs bestiaux sont volés, leurs récoltes incendiées et leurs vignes coupées par des « bandits indigènes », qui se permettent même quelquefois de « faire les vendanges avant eux ».

 

1893

 

Le conseil général d’Alger demande des mesures spéciales contre les « forçats indigènes évadés et cachés dans les forêts de Kabylie », qui sont au nombre d’un millier et qui créent « un véritable état insurrectionnel ».

Pour avoir une idée de ce que sont ces prétendus « bandits » il suffit de signaler qu’un de leurs chefs, nommé Abdoun, est un paysan condamné à mort pour avoir tué l’amin collaborateur du village. Evadé de Cayenne et revenu en Kabylie, il tient le maquis pendant plusieurs années. Blessé et arrêté, il fut à nouveau condamné à mort, pour avoir commis personnellement …32 meurtres du même genre.

Le député français Jonnart déclare à ce sujet : « le brigandage est le vivant témoignage d’un malaise social : on aura la sécurité en Algérie quand on aura cessé d’exploiter l’indigène ». Ce qui ne pouvait évidemment être qu’un vœu pieux.

1894

 

Des opérations militaires sont engagées en Kabylie contre un important groupe de maquisards commandés par Arezki El Bachir. Parmi les « Hors la loi » tués il y a des jeunes gens de 17 ans.

 

 

1895

 

Une donnée statistique officielle relève que le nombre des attentats commis durant cette année en Algérie contre les personnes et les biens des Européens s’élève au total impressionnant de 8.389. (1)

Voici à titre d’information le nombre des attentats commis durant les années précédentes :

1886---2623

1887---3961

1888---4998

1889---5632

1890---5014

1891---5327

1892---6557

1893---7568

1894---9397

Ainsi, en l’espace de quelques années, le nombre des attentats officiellement recensés a plus que triplé dans le pays.

 

  1. Chiffres cités par C.R.AGERON, in « Les musulmans algériens et la France », t. I, p.553

 

1899

 

La résistance du Sahara continue, on signale des accrochages dans les Oasis du Touat.

Dans le Tidikelt l’escorte militaire de la mission Flamand est attaquée.

1900

 

Accrochages aux confins algéro-marocains.

 

1901

 

Révolte à Miliana : excédé par les exactions des colons les habitants du Zaccar se soulèvent sous la direction du chef de zaouia Yagoub et de son adjoint Hadj Ben Aïcha. 125 paysans sont arrêtés et transférés en France pour être jugés devant une cour d’assises : 17 d’entre eux meurent en prison.

 

1902

 

Combats violents dans le Hoggar où les Touareg s’opposent avec acharnement à la pénétration française.

 

1903

 

Résistance des Ajjeur dans la région de Djanet et le Tassili.

 

 

1908

CONTRE LA CONSCRIPTION

 

Effervescence dans le Hodna et le Belezma : les Oulad Sahnoun attaquent des caïds de la grande famille féodale des Bengana.

 

1910

 

Début d’un important mouvement de résistance contre la conscription obligatoire que les autorités coloniales veulent imposer au pays. De nombreuses tribus jurent de ne pas livrer leurs enfants à l’armée française.

 

1911

 

Le mécontentement populaire s’exprime par « l’exode de Tlemcen », départ massif des familles de la ville vers la Syrie. Cet exemple est suivi à Sétif, Bordj Bou Arréridj, Alger, Tébessa. La population redoute de voir les jeunes gens mobilisés et envoyés au Maroc où la France s’apprête à voir asseoir sa domination.

1912

 

Sous le mot d’ordre « nous ne donnerons pas nos enfants » des manifestations éclatent à Souk-Ahras, Khenchela, Beni Bou Yagoub. Des recrues sont libérées par la foule à Nedroma, Sebdou et Oum El Bouaghi. D’autres jeunes mobilisés désertent et prennent le maquis, à Collo et Aïn Touta.

Des centaines de notables signent des pétitions à Alger, Blida, Médéa, Sétif. Une délégation est même envoyée à Paris où un paysan déclare :

« Je supporte des impôts écrasants, je suis de toutes les corvées, je suis humilié, l’usure une ruine, la colonisation me refoule…Et aujourd’hui on me demande de donner le seul bien qui me reste : mon enfant ! »

 

1914

 

Le jour même de déclaration en Europe l’état de siège est proclamé en Algérie, où des troubles éclatent : les Algériens refusent d’être utilisés comme chair à canon.

A Barika, Tébessa, Mascara, les convois de recruteurs sont attaqués à coup de pierres. A Batna 34 recrues des douars Seggana et Sefiana sont libérés par la foule et désertent. Partout ailleurs des centaines de jeunes gens sont déclarés insoumis et se réfugient dans les montagnes.

Les incidents les plus graves ont lieu en Oranie, où les Beni Chougrane prennent les armes (monts de Mascara) pour s’opposer à la conscription. C’est une véritable révolte, marquée par des accrochages sanglants. Pour la réduire le général Labit, à la tête de plusieurs milliers de soldats, met la région à feu et à sang.

En Kabylie un rapport officiel signale l’apparition de maquis, formés de déserteurs et d’insoumis : 142 arrestations sont annoncées dans les régions de Dra El Mizan et Azeffoun. Un autre rapport signale des attentats et des attaques de ferme dans les régions de la Calle, l’Edough et Souk-Ahras où « des groupes audacieux, bien armés, opèrent dans un massif forestier et montagneux des plus propices à l’embuscade et riche en retraite inaccessibles ».

 

 

 

1915

 

Profitant de la guerre en Europe la confrérie des Senoussia déclenche une insurrection générale au Sahara. Fondée par Mohamed Ben Ali Ben Senoussi, natif de l’Hillil, près de Mostaganem, cette secte s’est établie au cœur du désert, étendant ses ramifications sur le Sud Tunisien et surtout la Libye.

Les premiers combats eurent lieu dan la région de Djanet, dont la garnison française fut assiégée durant 18 jours par Soltan Ahmoud, chef des Ajjeur, qui prenaient ainsi leur revanche. Encadrés de guerriers chaâmba et de méharistes déserteurs les insurgés tuent ou capturent toute la garnison. Ils détruisent également plusieurs petits détachements opérant dans la région.

 

1916

 

Révolte des tribus de l’Aurès qui refusent, comme les Beni Chougrane, de se laisser utiliser dans la guerre impérialiste. A Aïn M’lila et Aïn Fakroun la foule des paysans libère les jeunes incorporés. A Bernelle un convoi est attaqué, 4 soldats français sont tués et 68 conscrits libérés. A Khenchela et Tébessa la population fait la grève pour protester contre le paiement des impôts. De nombreux soldats chaouia désertent leurs unités et se réfugient dans les montagnes. Des accrochages ont lieu près de Barika avec des détachements de Zouaves et de Spahis (10 morts).

Dans le Belezma on signale un important soulèvement sous la direction de Benali Bennoui, un paysan du douar Tilatou. Le sous-préfet de Batna et l’administrateur d’Aïn Touta sont tués par les Oulad Aouf. Un rapport administratif français parle même, en termes assez obscurs, de la proclamation d’une « république » dans la région. Il s’agit vraisemblablement d’un premier territoire libéré, sur lequel nous n’avons malheureusement pas d’autres témoignages. Toujours est-il que plusieurs fermes de colons, des gares, des maisons forestières, sont attaquées et incendiées en même temps que des postes militaires.

Durant la même année un important groupe de maquisards se manifeste près de Ténès en tuant deux gendarmes et en brûlant des fermes de colons : 248 arrestations sont opérées par une colonne française envoyée dans la Dahra.

1917

 

Insurrection générale des Touaregs du Hoggar, sous les ordres de Si Mohamed El Abed.

D’importants détachements armés, commandés par des chefs comme Khaoucen ou l’aménokal Bou-bakeur Ag Allegoui parcourent les immenses régions comprises entre Tamanrasset et Ouargla. Toutes les patrouilles françaises qu’ils rencontrent sont capturées ou détruites. Ce qui fait écrire au général Meynier dans un rapport : « Dans tous ces petits combats de détails nos pertes en hommes sont sérieuses. D’assez nombreuses armes sont enlevées et servent à équiper de nouveaux insurgés ». Précisons que parmi les armes ainsi récupérées on compte plusieurs mitrailleuses et même 2 ou 3 canons de 80m \ m .

Ce qui explique l’importance des combats d’In Amejen, où les Français avouent 13 tués, Aïn El Hadjadj (18 tués et 12 prisonniers) Oued Ehan, où l’adjudant Lenoir est abattu d’une balle en plein front ainsi que tous ces soldats, etc …

Au début de la même année on signale que le Père de Foucauld est tué à Tamanrasset avec les 3 méharistes qui lui servait de gardes du corps. Des groupes de Touaregs armés rayonnent désormais sur tout le Sahara central, poussant même des reconnaissances jusqu’au Mali, au Niger et au Tchad pour inciter les populations à la révolte.

Le danger est tel, pour les arrières du colonialisme, que le gouvernement français prélève sur le front allemand d’importants renforts de troupes, qui vont aller combatte, sous les ordres du général Laperrine, ceux qui dans les rapports officiels commencent à être appelés des « fellagas ».

On trouve en effet ce mot, pour la première fois semble-t-il, dans le texte suivant du général Meynier relatif à la situation au Tanezrouft : « c’est ainsi qu’un détachement de dix méharistes se déroba devant une patrouille ennemie de même effectif, et qu’un autre fut pris et désarmé par les fellaga dans les environs de Tinfouchaye, sans avoir esquissé de résistance » (in « Revue africaine », tome LXXXIII, page 257)

 

 

 

1918

 

De nouveaux accrochages ont lieu au Sahara, où les troupes françaises essuient des échecs cuisants. Les insurgés réussissent à capturer et à détenir des prisonniers de guerre. Un rapport militaire signale par exemple qu’une colonne commandée par le maréchal des logis d’artillerie Lapierre, capturée après une poursuite mouvementée de 150 km dans le désert, ne fut libérée qu’en 1919.

 

Conclusions

 

On peut dire que c’est seulement entre 1918 et 1920 que se termine, provisoirement, la phase de résistance armée active qui s’était ouverte avec l’agression colonialiste de 1830. Cette longue guerre presque ininterrompue de 90 ans a coûté à la France des pertes matérielles énormes et des sacrifices humains que certains auteurs évaluent à 200.000 hommes. (1)

Quant au peuple algérien, malgré les incendies et les destructions massives, malgré les massacres que le maréchal Bugeaud lui-même n’hésite pas à présenter comme « l’unique moyen de gagner une guerre de cette nature », il est resté aussi farouchement indomptable qu’aux premiers jours.

Sa résistance extraordinaire a fait durant près d’un siècle l’admiration du monde. Au point que les plus grands penseurs socialistes de l’époque saluent avec enthousiasme « ces tribus arabes et kabyles qui apprécient l’indépendance par-dessus tout et pour qui la haine de la domination étrangère est un principe plus cher que la vie elle-même. (2)

Dépossédés de leurs terres, écrasés d’impôts, refoulés sauvagement par la colonisation vers les montagnes, les steppes et les déserts, les fils des insurgés ajoutent maintenant à leur soif de liberté la puissance explosive de leurs revendications sociales. Ils tirent la leçon de leurs échecs. L’Emir Khaled organise à partir de 1920 un noyau de mouvement de libération. Les premiers partis politiques et les premières organisations syndicales apparaissent. Les villes prennent le relais des campagnes. Les Oulamas se substituent aux Khouan des Zaouias.

La résistance populaire n’est pas détruite. Mais comme ces Ouads du désert qui s’enfoncent brusquement dans le sable pour ressurgir on ne sait comment, quelques kilomètres plus loin, elle a pris des formes nouvelles. On la voit éclater particulièrement le 8 mai 1945, à l’occasion de la défaite du fascisme, sous forme de grandes manifestations pour l’indépendance, réprimés par le sang par le colonialisme.

Certes on enregistre toujours de 1920 à 1945, des actions de maquisards isolés, des attentats contre des colons, des policiers ou des caïds, mais ces actions s’intègrent désormais à de puissantes manifestations populaires, des grèves ouvrières et paysannes, des luttes de travailleurs émigrés ou de soldats enrôlés dans l’armée française, mouvement irrésistible de larges masses du peuple dans lequel se prépare les conditions de la grande insurrection victorieuse de 1954.

 

(1)Lacoste -Nouschi -Prenant : « L’Algérie, passé et présent », page. 328

(2) Marx- Engels : texte sur le colonialisme, p. 217.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Etudes syndicales publiées par I.N.E.R.S

 

Comité de rédaction

 

-Ali Belhouchet : Secrétaire National chargé de la Culture et de l’Information (U.G.T.A)

-Aïssa Bouzghina : Directeur de l’I.N.E.R.S

-Azzedine Lekmiti

-Djamila Boubenna

-Rachid Bouchemat

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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